Par Marie Marquis, FDt.P., PhD, Directrice du Département de nutrition, Université de Montréal.
La période des fêtes est marquée de traditions pour plusieurs d’entre nous et, de plus en plus, ces traditions se redéfinissent!
Votre tourtière traditionnelle, la vôtre, meilleure que celle des autres évidemment, trône sur nos tables depuis des décennies au Québec. Si certains ont osé revoir la pâte, sa garniture reste viandeuse à souhait et elle est habituellement attendue sur nos tables.
Par ailleurs, nos tablées évoluent. Nos invités changent et expriment de plus en plus leurs valeurs. Il y a trois ans déjà, mes étudiants (douce vingtaine) me bombardaient de leur recette de tourtière de millet. Je ne suis pas végétarienne, mais les traditions sont les traditions. L’odeur ne se négocie pas à Noël. J’ai donc fait ma tourtière habituelle pour ma famille.
L’année suivante, je me suis aventurée à la recherche du millet. Pas d’excuses pour chercher la recette, mes étudiants me la transmettait plus vite qu’un travail de session. La recette était celle de la Cuisine de Jean-Philippe comme si Jean-Philippe avait pour moi la même résonance que Jehane Benoit! Et comme si la recette ne suffisait pas, une vidéo l’accompagnait. Ne pas cuisiner la tourtière habituelle n’était pas concevable. J’ai donc cuisiné les deux. Pour ne pas détrôner la traditionnelle, je lui ai laissé sa forme ronde et opté pour une forme rectangulaire pour celle au millet.
Autour de la table, les générations se côtoyaient et leur réaction spontanée fut la suivante : je vais prendre un peu des deux. Les commentaires étaient unanimes : les deux sont savoureuses. Après les avoir convaincus que je n’avais pas inséré de grillons dans la tourtière de millet, les recettes ont continué de circuler. J’ai un carnet de recettes manuscrites réservées aux recettes de Noël et j’y ai inséré la tourtière au millet (de Jean-Philippe!).
Noel 2020 fut tristounet, je n’ai pas fait de tourtière. Pour cette année l’une des deux est déjà dans le congélateur, l’autre sera cuisinée en fin de semaine. J’ai déjà avisé la belle-famille que j’apporterais un mets végétarien pour le « potluck» du 1er janvier.
L’année 2022 se doit d’être différente. La planète nous le demande. La viande sera dans mon menu, mais idéalement, de provenance locale et en moins grande quantité. Ma transition vers des choix alimentaires plus responsables face à la planète se fait progressivement, influencée plus facilement par des étudiants encore peu ancrés dans les traditions. Les traditions vont se redéfinir, une à la fois tout comme nos comportements alimentaires vont évoluer.
La tradition restera-t-elle culinaire ? En ce qui me concerne, je donne à la table et ses accessoires le côté traditionnel en utilisant la vaisselle de ma mère, la verrerie de ma belle-mère. Autrefois appelée la vaisselle du dimanche. Je conserve précieusement les décorations de Noël de mon enfance. Pas de risque qu’elles deviennent véganes!
À chacun ses traditions, mais le plus important est certainement de faire un pas de côté et de réfléchir aux contenus de nos assiettes. Le repas traditionnel des fêtes ne ruinera pas les efforts de tous pour un avenir planétaire durable, mais la tradition devra certainement se redéfinir progressivement. Un sociologue affirmait que manger avec autrui sera tellement complexe que les gens en finiront par se réunir uniquement pour boire! On n’est pas rendu là! On pourra au moins montrer nos décorations.
Je vous souhaite de très belles fêtes et puisse 2022 nous mener à des découvertes alimentaires en harmonie avec la planète et à la recherche de traditions à partager.